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L’idée d’un Uber de l’immobilier a déjà fait son temps. Nous sommes en train de comprendre que personne ne révolutionnera les métiers de l’immobilier comme cela a été le cas dans d’autres secteurs. Probablement, il faudra attendre la prochaine vague de technologie des smart contracts et de la blockchain pour rebattre les cartes.
En attendant ce big bang plus ou moins lointain, que penser de ces nouvelles offres de 1re génération des agents immobiliers (Purplebricks, DuProprio, Proprioo.fr…), du syndic (Viva Syndic, Le Bon Syndic, Easy Syndic…) et de la gestion locative (e-gerance.fr, gérerseul.com, monespace.e-gerance.fr…)? Quel est leur business modèle? Ont-elles changé les usages? Le service rendu au client?
Les nouvelles offres : celles qui cartonnent sont celles qui enchantent
Que vous les appeliez néo-syndic, syndic online, agent hybride, agent online, administrateur de biens virtuels ou néo-hybride-professionnel de l’immobilier, ces nouvelles offres ont toutes été conçues pour rendre un usage de nos métiers plus faciles à moindre coût. Elles ont toutes réussi à créer un nouveau segment de marché qui se situe entre le particulier et le professionnel. Parfois, le marché est d’ailleurs très restreint. Ces offres rognent les parts de marché du PAP, du propriétaire qui gère seul, du syndic bénévole et de l’agent immobilier ou du professionnel.
Le point commun aux offres qui cartonnent est le même : elles enchantent leurs clients par un care beaucoup plus ambitieux. Le care est au cœur de l’expérience client : c’est l’attention apportée au client, c’est comment on dépasse les attentes et termes de service par rapport aux besoins exprimés. Une attention digitalisée qui est exécutée et scénarisée. Que ce soit Redfin, que je classe dans ces offres, ou Purplebrick, le service client n’est pas un vain mot dans ces sociétés.
D’où l’importance des retours client, des avis clients. D’où leur communication également très axée sur l’expérience client, qui permet de rassurer et de dépasser les freins psychologiques. Ces avis servent de caution et de réassurance. Certains émettent d’ailleurs des doutes sur la réalité de ces avis et ces statistiques (récemment Purplebricks).
Ceux qui font du neuf avec du vieux n’y arrivent pas
Bien sûr que les prestations de ces offres ne sont pas les mêmes que le modèle traditionnel. Bien entendu que nous ne sommes jamais mieux servis que par nous-mêmes pour les tâches simples. Tout leur enjeu est de ne pas trop montrer la différence entre les modèles. La subtilité de leur communication est d’utiliser les mêmes codes, le même « wording » des métiers pour faire croire que ces néo-syndics sont des syndics qui ne se déplacent pas, mais qui font le même travail. Assister un vendeur ne signifie pas faire la vente. Assister un propriétaire en gestion n’est pas gérer. Assister une copropriété n’est pas être syndic. Mettre à disposition un logiciel ne signifie pas délivrer le service de la gestion locative ou du syndic.
Comment se nomme le service de mettre à la disposition un logiciel d’administration de bien, même avec un léger accompagnement? Pour moi, cela se nomme être le support d’un logiciel ou délivrer des prestations de formation, mais pas un service de gestion locative. Les offres issues des groupes traditionnels dans l’adb ou le syndic (par exemple, l’offre de Countrywide pour ne citer qu’elle et ne pas me faire trop d’ennemis) ne marchent pas. Ils sont déjà condamnés, car ils n’ont rien transformé dans leur façon de faire le métier, dans leur structure ou dans leurs outils. Ils ne font que du moins cher, moins bien en concurrençant leur structure traditionnelle.
Les offres issues de la tech sont de nouvelles marques, de nouvelles structures et ont développé de nouveaux outils, mais elles ne semblent pas avoir la même traction chez nous que dans d’autres pays. Peut-être d’ailleurs que ces startups, qui sont souvent rachetées ou créées par des groupes, servent à capter des leads. Quand je vois Nexity lancer e-gerance.fr, je me demande s’il cherche réellement des clients ou des leads.
Sont-elles rentables? Prix, prestation et création de valeur
Je distinguerai selon les métiers. Pour le marché du syndic et de l’administrateur de biens :
- Non, évidemment, pour tous les néo-syndics, les administrateurs de biens hybrides, qui ont des prix trop bas pour faire le métier de manière traditionnelle.
Qu’ont-ils réussi à fabriquer à moindre coût? Quelle tâche a été robotisée ou automatisée par la technologie? Quelle inefficience côté client a été éliminée? À ce jour, pas grand-chose. Ils ne sont pas parvenus à scaler la relation client ni une partie des interactions. Nos métiers se prêtent mal à des économies d’échelle. Simplement, les process sont plus affûtés, plus précis, mais ne compensent pas encore l’économie proposée aux clients. Il n’y a eu à ce jour que des investissements en pure perte pour le métier en syndic ou en adb.
Pour le marché de la transaction :
- Oui, elles sont rentables, et même très rentables aux États-Unis et en Royaume-Uni pour un ou deux intervenants par marché. L’élargissement rapide de leur segment de marché a permis de rentabiliser leur plateforme et leur dépense marketing. Mais pour que leur modèle soit durable, il faudra que de bons agents immobiliers les rejoignent. Si elles attirent les meilleurs, elles seront rentables et des concurrentes redoutables. Les meilleurs des agents, qui iront sur ces offres, sont leur défi.
Ceci dit, rentabilité et parts de marché des intervenants traditionnels ne vont cesser de décroître
80 % des structures traditionnelles souffrent de la complexité grandissante, de l’instabilité législative, de leur manque de flexibilité, de leur structure de coût élevée, de leur informatique parfois hors d’âge et de leurs compétences souvent non mises à jour (tout au moins pas au niveau des attentes du client). Elles souffrent, car les outils se multiplient, le multicanal est un problème, les compétences nécessaires sont rares, donc chères. En contrepartie, les prix des commissions baissent, la charge de travail des syndics et des administrateurs est alourdie par la législation. Souvent, ces structures considèrent qu’elles n’ont pas les moyens d’investir suffisamment dans la compétence de leurs équipes, leurs outils, leur communication.
Elles souffrent également, car le jeune client urbain fait tout pour éviter ces intermédiaires, qu’il considère comme inutiles et horriblement chères. Ce n’est souvent qu’après une première désillusion qu’il fait appel aux services « brick and mortar », après avoir consulté la Terre entière et parfois en ne regardant que le prix de la prestation, car il ne peut mesurer la compétence, la disponibilité, le care, et donc l’utilité de nos services. Bref, une belle course déflationniste qui ravage les sociétés de service immobilier.
Face aux difficultés des modèles traditionnels, les nouvelles offres, même si elles n’ont pas la traction attendue par leurs promoteurs, créent un nouveau marché et sont une nouvelle concurrence. Elles ancrent un niveau de prix bas, très bas chez les consommateurs. Et ce, sans parler d’un Facebook ou d’un Google qui vont un jour se faire une place dans nos métiers et prendre les marges d’intermédiation d’un autre segment des clients traditionnels. Autant d’opportunités en moins. Sous les coups de boutoir de la techno et les tentatives de ces offres marketing, la rentabilité et les parts de marché des modèles anciens et traditionnels continueront à baisser. À un rythme beaucoup plus lent qu’attendu, mais leur marge et segment va se rétrécir de manière structurelle. C’est une certitude.
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