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La colocation peut être parfois un vrai challenge pour le professionnel de l’immobilier, d’abord au stade de la recherche de candidats, mais surtout au niveau de la gestion locative. Bien qu’elle ne soit pas la solution préférée des propriétaires, la colocation est le nouvel eldorado des connaisseurs du marché, qui y voient de grandes perspectives d’avenir.
Un casse-tête locatif…
Une lourdeur administrative
C’est la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 qui est venue offrir un cadre juridique à la coloc’ en instaurant aussi de nouvelles règles pour la rédaction du bail, qui peut être un contrat unique ou mixte.
Le bail unique est la solution la plus simple, car le contrat est le même pour tous les colocataires. En cas de départ et d’arrivée d’une personne, il suffit de rédiger un avenant, qui permettra au nouveau venu de remplacer simplement celui qui a quitté le logement. Le nouveau colocataire est soumis aux clauses du bail initial. Le gestionnaire doit veiller à lui donner les informations sur le droit au bail en cours et sur la solidarité entre colocataires en cas d’impayés de loyer.
En cas de baux multiples, il faut rédiger et faire signer un bail individuel à chacun des colocataires. Cela complique un peu la tâche pour le professionnel, surtout si les dates de prise d’effet ne sont pas les mêmes pour tous. Une autre chose qui semble importante : les contrats doivent mentionner l’étendue des droits de chacun des colocataires concernant la jouissance exclusive de certaines parties du logement et l’usage commun des autres pièces. Cette solution est plus contraignante, car contrairement à un bail unique, elle oblige le gestionnaire à renouveler toutes les démarches administratives en cas de changement de colocataire (rédaction du bail, établissement des états des lieux), et le cas échéant, à organiser les paiements de fractions de loyers.
Les locaux : tout un aménagement!
Tandis que la mode de la colocation ne cesse de se réinventer, tous les logements ne conviennent pas forcément à la coloc’. Si on peut habiter en colocation dans un deux pièces avec son concubin, on pourra difficilement le faire avec cinq personnes dans un logement avec une cuisine étroite et des toilettes coincées dans une petite salle de bain!
Certains biens vont obligatoirement passer par la phase aménagement et adaptation pour espérer un jour trouver preneurs : les règles de décence applicables spécifiquement à la colocation, un confort et la sécurité de tous les colocataires doivent absolument être assurés pour louer sans être embêté.
La réticence des propriétaires
Malgré son succès, la colocation fait encore douter de nombreux propriétaires pas encore convaincus par le concept. Selon une enquête réalisée par le site De Particulier à Particulier :
- Près de 70 % de bailleurs privés ne sont pas prêts à proposer leur logement à la colocation et sont réticents à cette idée;
- Plus de 58 % de propriétaires mettent en cause la taille de leur logement, considérant qu’il est trop petit pour permettre à plusieurs personnes d’y vivre confortablement;
- Environ 26 % pensent qu’une famille est plus à même de bien s’occuper de leur immeuble;
- 18 % sont persuadés qu’une famille leur offrira plus de stabilité locative en termes de durée. Il est certain qu’en cas de dissolution de la colocation, le risque de vacance est plus important.
Les administrateurs qui se voient confier la gestion d’immeubles éprouvent parfois des difficultés à convaincre les propriétaires de proposer leurs biens à la location à plusieurs pour des raisons autres que celles du sondage, et pour cause : la colocation implique la cohabitation de plusieurs personnes qui ne se connaissent pas toujours, et qui sont susceptibles d’occasionner des nuisances et désagréments impliquant une gestion locative plus contraignante. Troubles de voisinage, dégradations locatives, impayés des loyers… tant de raisons qui découragent les bailleurs!
C’est bien pour cela que convaincre un propriétaire de mettre son bien à la disposition de plusieurs colocataires reste une tâche difficile pour le gestionnaire, qui risque de perdre son client s’il ne veille pas à sélectionner scrupuleusement les candidats.
…mais une aubaine toujours plus lucrative
Un phénomène « tout public » en constante évolution
D’un style de vie inspiré des célèbres séries américaines, la colocation est aujourd’hui un phénomène mondial et, pour une vaste catégorie de personnes, bien plus qu’une solution intermédiaire. En près de 20 ans, elle est devenue un véritable mode de vie, qui réfute progressivement l’image du consommateur propriétaire encore très en vogue aujourd’hui.
Cette tendance a été soigneusement analysée et chiffrée par le site internet Appartager, en partenariat avec SeLoger, dans le but de marquer son progrès notoire. Selon l’étude intitulée « Le baromètre de la colocation », le phénomène commence à gagner du terrain sur le marché locatif, créant ainsi un déséquilibre significatif entre l’offre et la demande : non seulement les salariés sont aussi nombreux que les étudiants à recourir progressivement à la colocation, mais en plus, l’idée séduit aussi les plus de 40 ans. Avec l’évolution des mentalités, la colocation est aussi un remède à la solitude et une solution pour se loger moins cher. C’est pourquoi elle attire également les personnes âgées et les familles monoparentales en quête de compagnie et d’économies.
Et bien sûr, la colocation ravit et inspire aussi les professionnels de l’immobilier, qui y voient un marché très porteur!
L’apanage des opportunistes de l’immobilier
L’idée de louer à plusieurs plaît, et ils sont de plus en plus nombreux à flairer cette tendance. Elle a rapidement été adoptée par les spécialistes du secteur, qui y ont trouvé un nouveau business à exploiter. Le groupe Brémond, promoteur immobilier, développe des logements modulables avec des cloisons faciles à déplacer pour permettre de changer la configuration des lieux.
Cela a sans doute inspiré les professionnels qui, aujourd’hui, arrivent avec des idées toutes plus originales les unes que les autres. Parmi eux, Nexity, qui a lancé un programme My Coloc’ spécial investissement locatif dans des immeubles spécialement conçus pour la colocation, et la startup Coloc et Vie qui, depuis 2014, se démarque largement de ses concurrents sur le marché de la coloc’.
En plus de la gestion locative classique qu’elle propose à ses clients, Coloc et Vie a développé une activité nouvelle : le réaménagement des locaux. Ses trois fondateurs ont eu pour idée de se lancer dans la transformation des appartements et des maisons inadaptés à la colocation, tout en permettant, une fois les travaux achevés, de les louer à des prix défiant toute concurrence. Cette idée originale est également prometteuse, car la colocation ne cesse de s’étendre à travers les pays européens. Cela force les investisseurs, même les plus réticents, à s’adapter à cette demande grandissante et les agences spécialisées dans la gestion locative à orienter progressivement leur activité vers celle de la colocation.
Tout comme les sociétés s’entichant de cette nouvelle tendance, de nombreux réseaux tels le Réseau CoSi ou le Kaps ont vu le jour et favorisent aujourd’hui le développement de la colocation solidaire. Le but n’est pas seulement d’élargir l’offre de colocation et de tirer profit des bénéfices juteux qu’elle procure, mais également de renforcer les liens sociaux intergénérationnels, car la colocation solidaire est le plus souvent proposée entre les personnes âgées et les étudiants.
Une meilleure rentabilité locative
Tous les gestionnaires de biens le reconnaîtraient sans doute : avoir mandat pour gérer de précieux biens immobiliers, c’est le comble pour la profession, mais quelle rentabilité et quelle satisfaction en tirer si le bien ne trouve pas preneur? Les logements loués à un prix jugé trop élevé sont nombreux dans l’Hexagone et freinent les potentiels candidats.
Il est là l’intérêt de faire jouer la carte de la colocation. Non seulement elle permet d’éviter une vacance trop longue, mais en plus, c’est la solution idéale pour continuer à louer au prix souhaité. Un loyer trop élevé pour une personne seule ou pour un couple ne le sera plus s’il est réparti entre plusieurs colocataires. Appartager.com montre en effet que le loyer des colocataires est en moyenne 30 % moins cher que celui d’une location individuelle.
C’est aussi le cas pour les biens spécialement conçus pour la colocation. Leur aménagement spécifique est peu adapté à une location classique. La mise en colocation s’avère alors indispensable. La colocation permet donc de trouver des locataires pour un logement dont le loyer est situé légèrement au-dessus du marché ou bien dont l’aménagement ne se prête pas de prime abord à une location traditionnelle.
Au final, on peut voir que la colocation est un marché intéressant pour les gestionnaires, à condition qu’ils prennent en compte les freins en amont. Ce type de contrat permet de trouver des candidats pour un logement pour lequel il aurait été compliqué d’en trouver autrement. Seulement, comme toutes les opportunités, elle apporte son lot de contraintes. Les logements en question doivent être adaptés pour une vie à plusieurs, les démarches administratives sont multipliées par le nombre de colocataires présents… Mais voilà, aujourd’hui, cette tendance se démocratise, de plus en plus de locataires se tournent vers ce mode de vie et les gestionnaires doivent s’approprier ce marché pour en tirer tous les bénéfices possibles. Chaque contrainte doit être analysée pour voir comment il est possible de la lever. Des outils comme les logiciels de gestion locative ou encore les services de signature électronique permettent de lever certains des freins… mais on reviendra certainement là-dessus dans un prochain article! 😉
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