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Il est des gens qui maitrisent leur sujet et qui en parlent avec passion. Sebastien Tedesco en fait partie. Directeur des opérations chez Keller Williams, il s’intéresse particulièrement à la performance de ses agents. Je suis allé l’interroger sur ce sujet, dans un contexte de reprise de marché avec plusieurs voyants au vert, suite à ces années compliquées. J’avais envie de savoir s’il confirmait le sentiment général quant à la reprise mais aussi et surtout s’il pouvait me donner des conseils concrets pour les conseillers immobiliers qui veulent performer pendant cette période. Je n’ai pas été déçu.

Les signes de reprise du marché immobilier sont-ils là?

Pour commencer, il faut comprendre le contexte macro-économique. Quand les taux montent de 1 point, les acheteurs perdent 8% de pouvoir d’achat. Mais là en 18 mois, ils augmenté de plus du triple. On parle donc de 25 à 30% de perte de pouvoir d’achat pour les français. Habituellement, ces derniers compensent par leur épargne. Mais au delà de 10%, on arrive à une frange non négligeable des acheteurs qui sortent du marché. Et qui dit moins d’acheteurs dit des biens qui se vendent moins vite et un stock qui augmente. Le point de rencontre entre vendeurs et acheteurs ne se faisait plus.

En analysant les chiffres du réseau, on a pu identifier tout cela. Dès mai 2022, on a observé les premiers signes de dégradation. Ca a commencé par une région, puis une autre. On a alors alerté nos conseillers au fur et à mesure. A notre niveau, on a la chance d’avoir les outils pour suivre les données business importantes, que tout les professionnels de l’immobilier devrait suivre. On regarde :

  • le nombre d’estimations
  • le nombre de mandats signés
  • la part de mandats simples / exclusifs
  • le nombre d’avenant
  • le nombre d’offres
  • le pourcentage d’offres acceptées
  • le nombre de promesse et de compromis
  • et le taux de casse jusque l’acte authentique

Ce n’est pas exhaustif, mais ces chiffres permettent de faire une analyse de ce qui fonctionne ou grippe la chaine de production des conseillers immobiliers. Quand le contexte économique pousse le marché à ralentir, les premiers signes se situent en amont de la chaine : moins de mandats et baisse de la part d’exclusivité. Ce sont les signes avant coureurs : on a plus de difficultés à rentrer des mandats, les conseillers sont donc moins regardant sur l’exclusivité et on rentre des mandats de moins bonne qualité. On a atteint le point bas au 1er trimestre 2023. Forcément, cela joue sur la suite de la chaine de production : moins d’offres, moins de signature et plus de casse.

Depuis 4, 5 mois, on sent une inversion dans ces chiffres. Comme expliqué, ça se joue au début de la chaine de valeur. On constate plus de signatures de mandats et une amélioration du taux d’exclusivité. Aussi, on voit un nombre grandissant d’avenants liés à la baisse de prix des mandats, souvent rentrés trop cher quelques mois auparavant. La rencontre avec les acheteurs suit ; les offres, les promesses et les actes aussi.

Comment être performant pendant cette phase de reprise du marché immobilier ?

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le marché à changer et les attentes aussi. Il faut donc faire les adaptations nécessaires. Les conseillers ont du réapprendre (ou apprendre pour la première fois) à être plus exigeant dès la prise de mandats, en terme de prix notamment, et à faire l’éducation de leur vendeur sur les dynamiques macroéconomiques et locales de leur marché. Ceux qui ont su se mettre à jour rapidement ont pu se maintenir dans un marché qui se dégrade. Et quand tu maintiens ton activité dans un marché qui se dégrade, tu gagnes des parts de marché. Deuxième effet kiss cool, en maintenant tes parts de marché, tu te mets dans les meilleures dispositions pour bénéficier d’une dynamique qui s’améliore. Cela a un effet accélérateur de reprise.

Concernant les conseillers qui ne se sont pas encore totalement adaptés, il n’est jamais trop tard pour bien faire le métier d’agent immobilier. Beaucoup de conseillers pensent que ce que l’on a vécu en 2023, ce que l’on vit cette année, c’est exceptionnel. Mais ce qui était exceptionnel, c’est ce que l’on a vécu en 2021. Là, on fait juste le vrai métier, celui où le client a un réel besoin de conseil, d’expertise et d’accompagnement. 850 000 à 900 000 transactions par an, c’est tout à fait normal, c’est même plutôt dynamique. Et la bonne nouvelle, c’est que le client a vraiment besoin de nous, professionnels de l’immobilier.

Le marché reste toutefois concurrentiel. Et il faut faire la différence auprès de ses clients. Voici les éléments clefs pour Sébastien.

7 conseils pour faire la différence

Maintenant que le constat est posé, voici 7 conseils pour performer pendant cette phase de reprise du marché immobilier.

1- Parler aux bons vendeurs

Jason Abrams, Head of industry and learning chez Keller Williams International, dit une phrase très juste : « Si tu dois vraiment user de tout un tas de compétence pour faire entendre le prix à ton vendeur, c’est certainement que tu parles au mauvais vendeur ». On est passé d’un marché avec 1,2 millions de vente par an à un marché avec 900 000 transactions immobilières par an. La différence entre ces deux marché, ce sont les vendeurs opportunistes. Dans le contexte actuel, on est sur un marché d’utilité, avec des vendeurs qui ont vraiment besoin de vendre. Donc si tu dois beaucoup batailler sur le prix avec un vendeur, c’est que tu es certainement en train de parler à un vendeur opportuniste, ou qu’il n’est simplement pas encore prêt à vendre. Car un vendeur qui a vraiment besoin de vendre, il t’écoutera sur la baisse de prix parce qu’elle est indispensable pour la réussite de son projet.

Le premier conseil est donc de parler à un maximum de vendeurs pour avoir le choix. Ensuite, il faut identifier les vendeurs qui ont vraiment besoin de vendre pour concentrer son énergie sur ces derniers, là où elle est essentielle.

2- Obtenir leur confiance

Ensuite, il faut obtenir la confiance du vendeur. C’est un point essentiel. Un vendeur qui veut vraiment vendre, il entendra le discours des différents conseillers sur le prix. Ce n’est donc pas la qualité des arguments des uns ou des autres qui influencera sa décision. Mais leur capacité à créer de la confiance. Le vendeur choisira le conseiller qui lui inspire le plus confiance pour mener à bien son projet.

Et pour créer de la confiance, il faut être authentique sur toute la chaine de communication avec ton client.

3- Communiquer de manière authentique

L’authenticité est trop sous estimée dans l’immobilier. On nous apprend à être des vendeurs, parfois avec des méthodes rustiques qui crée de la défiance. Alors que la clef pour déverrouiller les mandats, c’est l’authenticité, l’alignement. Pour faire simple, il faut que ton discours soit consonant à toutes les étapes, par opposition à dissonant. La dissonance, ça crée de la méfiance. Si ton discours est consonant, il sonnera juste auprès de tes prospects et il te rendra magnétique avec les vendeurs.

Cette justesse, elle se joue sur 3 éléments.

C’est l’alignement de :

  1. Qui je suis : Quelle est mon incarnation du métier d’agent immobilier ? Quelle image j’ai envie de donner ? Qu’est-ce qui m’anime ? Pourquoi je fais ça ? Quelles sont mes valeurs ? Quelles sont mes bases non négociables ? Quelle représentation de l’agent immobilier j’ai envie d’être ?
  2. Comment je communique : que ce soit dans mes messages, au travers de mes réseaux sociaux, au travers de mon boitage ou de mes jeux concours.
  3. Et enfin, ce que les gens ressentent à mes cotés : quand je suis pour la première fois avec mon vendeur, ressent-il ce que j’essaie de lui transmettre ?

Soit il y a une dissonance cognitive à l’une des étapes et le propriétaire voudra partir en courant. Soit tout est consonant et tu signeras plus de client.

4- Travailler son personal branding

Il faut donc communiquer. Et de plus en plus, on se rend compte que c’est la personnalité du conseiller qui fait la différence dans le choix de ce dernier. Et le premier contact se fait par le personal branding. Maintenant, se livrer n’est pas toujours simple. Ce que je conseille aux collaborateurs de KW, c’est d’orienter la caméra de l’autre coté. Plutôt que de se filmer en mode selfie, filmer de l’autre coté et partager sa vision du monde.

Pour te donner un exemple, la semaine dernière, j’étais à Albi et je discutais avec David Kremmel. Il a pris un engagement, celui de démarrer une série de vidéo parce qu’il est passionné de mixologie. Il va faire une analogie entre les mandats qu’il rentre et les cocktails qu’il aime préparer. On va le voir en train de réaliser le cocktail en question et avec des plans de coupe du bien immobilier pour dire: « Tiens, ce jardin, c’est la touche de délicatesse que va ramener la grenadine, la douceur nécessaire pour passer un moment agréable. Cette cuisine avec poutre apparente, c’est le zeste de citron, le peps de la pièce principale, etc. ». C’est clair que ça ne va pas plaire à tout le monde. Mais est-ce que tu as envie d’être celui qui plaît à tout le monde, celui qui ne fait jamais la différence ? Ou est-ce que tu as envie d’être celui qui prend position sur qui il est vraiment? Certes, il visera une plus petite frange de son territoire, mais sur laquelle il aura un impact bien plus grand. Et au final, il sera gagnant, il gagnera en confort de travail et en efficacité. Encore une fois, il canalise ses efforts. 

5- Adopter la posture de coach

Lorsqu’on est avec des prospects qui nous correspondent, et à qui l’on correspond, il faut adopter la bonne posture. Pendant des années, on nous expliqué que le négociateur était le sachant, celui qui sait faire et qui doit donc faire à la place de ses clients. Mais je pense que c’est la mauvaise posture. Les clients veulent décider, ils attendent de nous qu’on les conseille et qu’on les guide, voire qu’on les coach. Cette posture de coach, elle te permet, en rendez-vous vendeurs, grâce à l’écoute active, l’empathie et les questions ouvertes, de faire s’exprimer toutes les émotions liées au projet immobilier. Notre métier, c’est d’aider les clients à prendre des décisions dans une situation émotionnelle complexe.

Les émotions primaires, il y en a quatre: la peur, la joie, la colère et la tristesse. Dans tout projet immobilier, il y a tout ou partie de ces quatre émotions qui s’expriment à un moment ou à un autre. C’est normal, ce sont des projets qui sont chargés émotionnellement. Il y a donc deux étapes :

  1. les identifier, permettre au client de les exprimer et l’aider à sortir de son brouillard émotionnel,
  2. l’aider à retrouver la lucidité nécessaire pour prendre les bonnes décisions.

Cette lucidité, tu vas l’apporter parce que tu auras entendu les émotions qui brûlent le message, mais aussi parce que tu auras, par ta compétence et ton expertise métier, mis du factuel et de l’expertise dedans.

6- Comprendre les enjeux économiques

Pour mettre du factuel et de l’expertise, il faut comprendre les mécanismes macro économiques liés à l’immobilier. Ta personnalité et ton alignement vont faire a différence auprès du vendeur, ça représente 80% du choix du client, mais il faut que ça repose sur 20% de base très solide, métier. Ces bases commencent par la compréhension des grands ensemble. Par exemple sur les derniers mois, il y avait moins d’acheteur donc les délais de vente se rallongeait et les stocks augmentaient, et ça il fallait l’expliquer à ton vendeur. Il faut que tu restes en veille constante sur les taux, sur les prix, les valeurs locatives, les biens qui arrivent sur le marché, ce qui se vend, ce qui ne se vend pas, etc. Il faut que tu comprennes ce qui se joue, quels sont les grands mécanismes.

Ensuite, tu dois venir l’affiner sur ton marché. Il faut que tu l’interprètes avec les évènements locaux. Il y a des régions moins touchées que d’autres, des typologies de bien plus à l’abri. Le luxe par exemple a été moins impactés dans de nombreuses régions. C’est le rôle du conseiller que de connaitre et comprendre tout ça sur sa zone de chalandise. Il faut aussi être en veille permanente sur tout ce qui se passe dans ta localité. Car ton marché, il peut être impacté par de vraies dynamiques immobilières, mais il peut aussi être impacté par des dynamiques politiques et des dynamiques d’aménagements du territoire. On a construit beaucoup de neuf, on n’a pas construit de neuf. Il y a IKEA qui vient s’installer, il y a une bretelle d’autoroutes qui s’ouvre, etc. Il y a plein d’éléments qui vont venir impacter de manière beaucoup plus fine ton marché local. C’est ce savoir qui va te permettre d’avoir des conversations de qualité, d’être meilleur que ton client pour lui apporter la part de lucidité dont il a besoin, pour le rendre compétent.

7- S’entrainer pour le money time

Une fois que tu maitrises ces dynamiques macro, locales, immo et économoqiues, ce qui fera la différence, c’est ta performance devant le client. Et la qualité de ta performance est définie par la quantité et la qualité de tes entrainements. Dans l’immobilier, ça se traduit par le travail de tes scripts, de tes mises en situation, la présentation de tes services, etc. Tout cela ça demande un minimum d’investissement. Tu ne t’entraines pas pendant les rendez-vous client, tu te prépares avant. Chaque rendez-vous client est un match que tu dois gagner. Et tous les grands sportifs te le diront, le match se gagne à l’entrainement. Pour bien s’entrainer, il faut mettre en place des jeux de rôles, avoir des partenaires de responsabilisation, faire des mises en situation et prendre du temps pour faire son autocritique après chaque rendez-vous. L’objectif est de s’améliorer constamment. C’est ce qui, petit à petit, te permettra de devenir ultra performant.

Retrouvez également les bons conseils de Sébastien Tedesco en vidéo sur la chaîne Youtube d’Immo2 :

Immobilier 7 Conseils Pour Performer Pendant La Reprise

à propos

Article rédigé par Vincent Lecamus

Passionné par l'innovation, Vincent est en veille constante pour dénicher les technologies et tendances qui vont impacter le secteur immobilier. Quand Vincent n'est pas occupé comme journaliste sur Immobilier 2.0, il développe de nouveaux projets entrepreneuriaux et coach des ... Lire la suite

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