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L’économie collaborative a le vent en poupe dans le secteur immobilier. Sans s’inscrire juridiquement dans ce modèle, des agents s’unissent bénévolement dans cette démarche — parfois sous forme d’association ou de fondation — afin d’aider à loger ceux qui n’ont pas les moyens de le faire. Cet article vous présente les témoignages de confrères qui expliquent pourquoi et comment ils voient l’engagement. Loin de l’achat de bonne conscience et de la défiscalisation, rencontre avec ces acteurs français et québécois qui donnent de leur temps pour les mal-logés et les demandeurs d’emploi en recherche de bureaux.
Isabelle Larochette, cofondatrice de I LOGE YOU
Fondée en 2008, l’association I LOGE YOU s’est d’abord adossée à la Fondation Abbé Pierre avant de devenir elle-même une fondation, aujourd’hui sous l’égide de la Fondation de France. I LOGE YOU a réussi son pari en unissant les grands acteurs de l’immobilier afin de collecter des fonds pour les redistribuer auprès des associations au plus près du terrain. « Le temps de la Journée Solidarité Logement, les professionnels font la paix, énonce Isabelle Larochette, amusée. Nos partenaires sont très actifs et se serrent les coudes pour apporter des dons afin d’aider ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir se loger. » Le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris a vu une maison se construire samedi 14 mai. Une fois meublée, cette maison a été déplacée et habitée pour que des femmes en attente d’un logement pérenne y logent.
En ligne, il est également possible de payer une brique virtuelle pour financer des projets. Une brique égale un don. De grands médias participent également. Comment être sûr que les partenaires n’adhèrent à I LOGE YOU uniquement pour « s’acheter » une belle image tout en défiscalisant? « Je chasse ceux qui veulent faire du business. Le concept est que le professionnel s’intègre dans l’action qui se met en place », prévient la bénévole.
Isabelle Larochette aime rappeler qu’un agent ne doit pas se contenter de vendre, mais d’apporter du conseil. Selon elle, un propriétaire qui veut louer un appartement insalubre doit être prévenu qu’il est impensable de le faire sans remise à niveau. « La plupart des agents gagnent leur vie en vendant des biens qui répondent à des critères que peut s’acheter une clientèle ayant des moyens. Ça me paraît normal de reverser une petite partie de ces gains pour le mieux logement, pour ceux qui n’ont pas la possibilité de se loger dignement », conclut cette bénévole qui a pour but de fédérer le plus grand nombre de ses confrères. Et aussi faire connaître les fondations qui innovent pour le mieux logement. C’est le cas des Petites Pierres, qui avaient remporté un prix de l’innovation, décerné il y a 2 ans par I LOGE YOU.
Bernard Cadeau, président d’ORPI : « Nous, agents, avons un rôle collectif à jouer »
Soutenir I LOGE YOU résonnait comme une évidence pour le plus grand réseau immobilier de France. « Isabelle Larochette a été un moment agent chez ORPI, mais même sans se connaître, ORPI aurait soutenu ce projet », précise son président. Bernard Cadeau aime l’état d’esprit de I LOGE YOU, car « croyez-moi, le 14 mai, peu importe la marque que nous représentons, chacun apportera sa pierre à l’édifice pour aider des gens qui ont du mal à se loger », assurait-il quelques jours avant l’événement sur le parvis de l’Hôtel de Ville à Paris. Selon Bernard Cadeau, parrainer I LOGE YOU fait partie intégrante de l’ADN de son groupe. « Je ne peux pas croire qu’un agent ORPI en 2016 reste indifférent face à la pénurie de logements. En soutenant des œuvres comme I LOGE YOU, c’est aussi l’occasion de montrer qu’un esprit collectif centré sur l’humain existe dans la profession. »
Catherine Papillon, Solid’Office : « Avoir un espace de coworking facilite la reprise d’emploi ou la création d’une société »
Un bureau inoccupé s’abîme rapidement. De l’autre côté, une kyrielle de demandeurs d’emploi en a marre de rester chez eux pour lancer leur projet ou trouver un nouveau job. Partant de ce postulat, dix ami(e)s évoluant dans l’immobilier ont décidé d’aller à la rencontre de propriétaires d’immeubles pour les convaincre de louer à une somme dérisoire leurs espaces temporairement vides à des chômeurs.
« On s’est également rapproché de bureauxapartager.com afin qu’il couple à leur business classique une partie solidaire, principalement pour des personnes inscrites à Pôle emploi, mais également auprès d’étudiants entrepreneurs qui sortent de l’école et veulent lancer leur business », explique Catherine Papillon. Directrice internationale DD/RSE chez BNP Paribas Real Estate, elle fait partie de cette bande d’amis qui a profité de sa notoriété et de son réseau pour « aider des personnes qui ont besoin d’être reboostées à un moment où le doute s’installe ». Un semestre après la naissance de l’association, Catherine Papillon se réjouit de « voir qu’un espace de coworking a déjà facilité la reprise d’emploi ou la création d’une société ». Contre 15 euros par mois, Solid’Office offre une table, une chaise, une connexion Wi-Fi… et surtout, de quoi agrandir son réseau dans un « espace à proximité des transports en commun et d’autres entrepreneurs ».
À bon entendeur, Solid’Office est prêt à faire des petits. Aujourd’hui, 35 bureaux partagés par 47 personnes ne représentent pas une finalité en soi. « On pratique sciemment le surbooking, car les gens n’y vont pas tous les jours, donc ça fonctionne bien ainsi », précise Catherine Papillon. Si vous avez (a minima) des bureaux de 1000 m2 disponibles sur les 12 prochains mois, contactez Solid’Office. Des spécialistes de l’immobilier, comme des startup ou des journalistes lançant une nouvelle plateforme, se réjouiront de payer à prix réduit le début de leur aventure ou de reprise d’activité. « Aider les autres, c’est aussi se valoriser », conclut Catherine Papillon.
Sébastien Sperano, courtier à Laval (Québec) : « Un bon réseautage se maîtrise, mais l’essentiel est de croire en ce que l’on fait »
En choisissant de distribuer 50 % de son budget communication à une dizaine d’événements (école, santé, collecte de fonds…) chaque année, Sébastien Sperano n’avait pas pensé en tirer un intérêt professionnel. Pourtant, l’agent québécois à la tête d’une équipe de huit courtiers y gagne à ouvrir son cœur et son porte-monnaie. Cet altruisme lui apporte une visibilité indirecte accrue. « Vendredi dernier, j’étais à un événement contre le cancer du sein. En discutant avec un professionnel de la santé, je me suis engagé à lui trouver des terrains sur une zone que je connais bien pour la construction d’une future clinique », souligne Sébastien Sperano. Le bouche-à-oreille est plus intense ainsi, estime-t-il.
À propos des réseaux sociaux, Sébastien Sperano est pragmatique. Plutôt que de se disperser sur Instagram ou Twitter, l’agent se concentre sur Facebook, qu’il gère lui-même. « Pour parler à notre cible — les 28-50 ans au Québec — je pense que Facebook est la bonne solution. J’ai pour objectif d’atteindre 5000 likes sur ma page. Ensuite, je verrai pour me diversifier sur d’autres réseaux. » Le trentenaire, qui aime se mettre en scène (voir photo ci-dessous), pense « qu’un bon réseautage se maîtrise, mais que l’essentiel est de croire en ce que l’on fait ». Lui est, par exemple, certain que 1000 dollars canadiens investis dans un journal local peut être complémentaire à une bonne œuvre envers une communauté.
S’engager nécessite du temps… mais surtout de l’envie. Rien ne sert de se lancer dans une démarche caritative si vous ne croyez pas dans le projet. En aidant les autres, les personnes interrogées nous ont confié ne pas voir le temps passé et se réjouir de redonner un peu de leur réussite. Les clichés sur une société de plus en plus individualiste prennent du plomb de l’aile à voir l’engagement croissant des acteurs de l’immobilier. Et vous, êtes-vous prêt à franchir le pas? Combien de temps et/ou d’argent seriez-vous prêt à consacrer pour le mieux-logement ou une démarche solidaire?
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