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Dans le cadre des Proptech Digital Days d’avril dernier, Sylvain Levy-Valensi s’est intéressé à la Ville de demain. De retour pour le RENT, le cofondateur de Radio-immo nous invite encore une fois à élargir nos horizons et à réfléchir l’immobilier dans une perspective plus humaniste et nous rappelant, à juste titre, que tout le déploiement technique qui fait l’objet du RENT n’est fondé que sur une chose, nos besoins et la façon dont nous vivons cette urbanité nouvelle. Pour en discuter, il s’est entouré de 4 intervenants provenant de disciplines variées :

  • Thierry Paquot, philosophe et professeur émérite à l’Institut d’urbanisme de Paris;
  • Ludovic de Jouvancourt, cofondateur de Prello;
  • Anne Durand, architecte-urbaniste;
  • François Roth, cofondateur de Colonies.

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  • Comment la notion de propriété est-elle en train de se transformer?
  • Quelles sont les différentes avenues à envisager pour réaligner les intérêts entre propriétaires et usagers?
  • Comment devrons-nous concevoir l’habitation de demain?

De l’économie des usages à l’écologie des usages

Selon Thierry Paquot, ce qui change radicalement aujourd’hui, c’est qu’on ne peut plus penser l’économie des usages, mais l’écologie des usages. Intégrer la dimension environnementale à la question de la propriété nous oblige à repenser celle-ci et, par le fait même, notre société. Or, la société est multiple. Il y a ceux qui sont prêts à vivre autrement la propriété (par le partage, par exemple) et il y a ceux qui continuent à acheter.

En 2000, Jeremy Rifkin publie L’âge de l’accès, dans lequel il démontre que la propriété disparaît au profit des réseaux. On n’est plus propriétaire de quelque chose qui nous stabiliserait, mais de quelque chose qui nous ouvrirait dans des partages réseautés.

Thierry Paquot souligne également qu’habiter n’est pas se loger. La difficulté existentielle est que dorénavant, dans les usages, il faut être au plus près de nous-mêmes. Penser la propriété aujourd’hui, c’est donc essayer de comprendre comment le propriétaire n’est pas simplement le possesseur de quelque chose, mais l’apporteur de la beauté indispensable au vivre ensemble. Malheureusement, la générosité accordée aux espaces partagés tend à disparaître en faveur du profit, ce qui est, selon le philosophe, un très mauvais calcul.

La qualité du logement au-devant de la scène

Anne Durand remarque cette même tendance. Elle nous rappelle que, durant le confinement, la qualité du logement est revenue au centre des préoccupations. Cet intérêt est donc tout récent. Pourtant, les architectes restent selon elle l’un des derniers maillons de la chaîne, puisque le logement est avant tout considéré comme un produit financier. La ville d’aujourd’hui se fabrique sur des questions chiffrées (prix du foncier, coûts de construction…), ce qui fait très peu appel au talent et à d’autres valeurs.

L’architecte tente donc aujourd’hui de retrouver une place pour recréer de la qualité : des logements traversants, de la qualité de vie, de la nature en ville, etc. On revient en quelque sorte à la base, ce qui pose la question du rapport entre économie et écologie dans la fabrique des territoires. Pour Thierry Paquot, l’importance des espaces publics de plus en plus arborés et mêlés à la nature est quelque chose d’absolument décisif qui va à l’encontre de l’architecture à l’ancienne.

Réaligner les intérêts entre propriétaire et usagers

Pour Ludovic de Jouvancourt, lorsqu’un bien est possédé par une personne et loué à une autre, il y a un désalignement d’intérêts. Un veut s’enrichir alors que l’autre veut réellement habiter. Prello cherche à réaligner ces intérêts.

Le changement des codes de l’habitat et le nomadisme font que la résidence flexible commence à prendre une place beaucoup plus prépondérante dans notre façon de consommer l’immobilier. En revanche, quand on est déjà propriétaire de sa résidence principale, on n’a souvent pas les moyens d’acheter une résidence secondaire. Prello s’est donc lancé dans la vente de résidences secondaires en copropriété de façon à partager l’usage entre propriétaires.

La problématique des jeunes sur l’accès à la propriété

François Roth souligne qu’aujourd’hui, la problématique des jeunes sur l’accès à la propriété, c’est qu’ils n’ont même plus le droit d’usage. Avoir un bail devient de plus en plus pénible dans les métropoles.

Autre problématique paradoxale : dans les grandes villes européennes, plus vous vous approchez du centre et moins la population est active. Les gens peuvent donc très rarement habiter près de leur lieu de travail. De l’autre côté, du foncier existe, mais il est obsolète et souvent difficile à transformer en logement de qualité. C’est là que la mutualisation des espaces peut donner accès à des lieux de qualité que les gens n’arriveraient pas à se payer seuls.

Thierry Paquot rappelle que cette conception rejoint notamment les travaux d’Anitra Nelson en permaculture urbaine, qui appelle à la décroissance des logements : « Le logement, où je vais dormir et me reposer, peut être petit, mais très confortable, et tout le reste peut être partagé ».

Outre les aspects d’abordabilité et de flexibilité, l’isolement chez les jeunes est une problématique moins traitée, mais bien présente. Lorsqu’on arrive dans une grande ville et qu’on se retrouve dans un studio de 20 mètres carrés, on peut très vite se sentir seul. Recréer du lien social est aussi une nécessité.

Vers de nouveaux modèles pour réconcilier propriété et usage

François Roth pense qu’il est tout à fait possible de réconcilier la propriété et l’usage et que de tout nouveaux modèles devraient continuer d’émerger.

Il aimerait par exemple se voir développer la possibilité d’investir en personnel dans de la pierre papier et de convertir les intérêts non pas en argent, mais en droit d’habiter : « L’année prochaine, je passe 3 mois à Berlin, 6 mois à Bruxelles et le jour où je veux fonder une famille et acheter, je vends ma pierre papier pour constituer mon apport. »

En conclusion, Sylvain Levy-Valensi rappelle que beaucoup de notre façon de concevoir nos espaces actuels provient de l’abondance (chambres d’enfant distinctes, salles d’eau, etc.) et se questionne sur les limites de ce modèle. Le monde et la façon de concevoir la propriété ont beaucoup changé dans les dernières générations. Qualité du logement, flexibilité, écologie, communauté sont toutes des valeurs qui nous amènent à réinventer notre rapport au bâti et à concevoir de nouveaux modèles.

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Article rédigé par Stéphanie G. Caron

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