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On l’entend partout. La proptech est en train d’arriver et va révolutionner le secteur immobilier. Mais qu’est-ce que la proptech? Pourquoi on entend-on autant parler ces derniers temps? Comment les professionnels de l’immobilier vont-ils être impactés par cette proptech? Qui va être touché? Quels sont les enjeux que cela soulève? Entre fourniture d’outils et uberisation, la proptech est pleine de menaces et de promesses. Point sur la situation.

Il y a encore 2 ans, on ne parlait pas de proptech. Il y avait pourtant déjà des startups immobilières décidées à révolutionner le secteur. Certaines l’ont fait il y a longtemps comme Zillow aux États-Unis; d’autres continuent et continueront de le faire. Mais aujourd’hui, c’est différent. On parle de proptech partout, à toutes les sauces. Le secteur bouge plus vite. Mais, pour commencer, définissons cette tendance.

Définition de la Proptech

J’ai eu l’occasion de pas mal échanger sur le sujet et il existe beaucoup de manières de définir la proptech. Parmi les définitions les plus partagées, on retrouve celle-ci :

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Assez flou, mais assez clair pour comprendre que cela touche un spectre très large de l’aspect « immobilier ». En effet, on parle de commercialisation autant que de construction, sans laisser de côté les bâtiments et les villes de demain. On comprend donc mieux l’engouement des entrepreneurs, des investisseurs et des journalistes pour s’approprier cette tendance. Beaucoup se sont essayés à en définir clairement les contours. La définition que je trouve la plus simple et la plus claire est :

« C’est un terme collectif qui est utilisé pour les startups qui fournissent des produits innovants, technologiques ou des modèles nouveaux pour les marchés immobiliers. »

En un mot, il s’agit de toutes les entreprises qui se lancent dans l’industrie immobilière pour l’améliorer, en tenant compte du contexte digital changeant et des nouveaux modes de consommation. C’est encore une tendance jeune qui a le temps de bien définir ses contours et son périmètre. Pour le moment, on peut identifier plusieurs verticaux autour de la Proptech : l’immobilier pur (la PropTech), les villes et bâtiments intelligents, l’économie collaborative, la partie construction (ConTech) et la finance (FinTech), les deux dernières étant très étroitement liées à l’immobilier. Voici un schéma pour y voir plus clair :

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Bien entendu, tout cela n’est pas nouveau. Mais, comme de nombreux secteurs se sont vu « uberisés », l’immobilier devient une cible intéressante, notamment pour les investisseurs

La montée en puissance des collectes de fonds

C’est l’investissement qui permet de développer rapidement un service et de faire tomber les barrières établies. Des collectes de fonds par des startups de l’immobilier, il y en a toujours eu. Mais depuis 2014, on constate une forte progression dans ce secteur, dorénavant identifié. On est donc en droit de penser que les grands de ce monde ont flairé qu’il allait se passer quelque chose sur le secteur et qu’il était grand temps de faire partie de ceux qui vont en récolter le magot. Regardez l’évolution des investissements depuis quelques années.

L’autre point important, c’est qu’en 2016, la première startup de la proptech valorisée à plus d’un milliard de dollars a vu le jour. Trois autres ont suivi la même année.

La légende des licornes

Une licorne est une entreprise valorisée à plus de 1 milliard. Dans l’immobilier, Compass a été la 1re; HomeLink et SMS Assist ont suivi rapidement. Puis, bien entendu, Opendoor. Ce qu’il est intéressant de constater, c’est que cela ne touche pas que les États-Unis et la Silicon Valley, puisque HomeLink est un portail immobilier chinois. Le phénomène est bien mondial. De plus, ces 4 startups sont fortement différentes. D’un réseau de courtiers immobiliers en passant par un outil de property management, un portail et un algorithme d’achat de revente de biens en ligne, on constate que les 4 licornes de la proptech couvrent un large secteur. Et avec 6,4 milliards de dollars levés en 4 ans pour plus de 800 startups immobilières référencées, de nombreux métiers de l’immobilier sont visés.

À quelS métierS immobilierS la Proptech s’attaque-t-elle?

Vous l’aurez compris, ce sont tous les métiers de l’immobilier qui sont visés. La gestion locative est attaquée par The Guarantors ou SMS Assist, la transaction par TenX, Opendoor ou Purplebricks, l’immobilier commercial par VTS, la promotion immobilière par Habiteo, etc. Et ce ne sont que des exemples pour illustrer mon propos, je pourrais vous présenter des dizaines de startups par métier. Aucun secteur n’est épargné.

Cependant, on peut faire une différence entre l’ancien et le neuf. En effet, dans l’ancien, il y a de nombreuses entreprises qui se positionnent pour faire disparaître le professionnel, pour le remplacer. Là où dans le neuf, il n’y a que des intermédiaires et des outils. Pour le moment.

De plus, on voit de nouveaux métiers se créer, et ce, dans tous les secteurs : le coworking dans l’immobilier d’entreprise, le coliving dans l’immobilier résidentiel, le crowdfunding dans le neuf et dans l’investissement, l’échange de maisons pour la location saisonnière… De nouveaux métiers sont aussi apparus autour du professionnel : les pilotes de drones, les spécialistes du home staging virtuel, les agrégateurs de data, etc. Et si je tourne le dos 5 minutes, je sais qu’il fleurira d’autres idées et d’autres approches pour réinventer tout ou une partie du secteur immobilier.

Cette effervescence amène les entrepreneurs et les créatifs à réfléchir sur des aspects très différents et à créer des startups en conséquence.

De quel type de startups s’agit-il?

C’est l’un des points qui rend simple et compliquée l’analyse du secteur de la proptech. Il y a de très nombreux pôles d’innovation autour de l’immobilier. De manière non exhaustive, on peut noter l’intelligence artificielle avec des startups comme room.ai, la communication avec des outils comme Smart Service Connect, l’organisation avec Front Door, la blockchain avec Ubitquity, la réalité virtuelle avec Matterport, la réalité augmentée avec Datrix, la dataviz avec Create.io, la mobilité, les objets connectés, l’impression 3D, le big data, etc.

Bref, je pourrais citer 1000 manières d’innover dans l’immobilier. Toutefois, la plupart des entreprises regroupent plusieurs savoir-faire. Prenons l’exemple d’Opendoor. Il s’agit d’une startup rachetant en ligne les biens des particuliers en estimant le prix avec un algorithme fondé sur le big data. Ensuite, elle revend ce bien en proposant des visites autonomes grâce à ses serrures et caméras connectées, non sans avoir fait intervenir une équipe de travaux pour remettre le bien à neuf. On voit bien que plusieurs savoir-faire sont conjugués comme la mobilité, le big data, les objets connectés, la dématérialisation, etc.

Mais la réelle différence est qu’ils innovent sur le processus complet et qu’ils repensent le système. Et c’est ce point sur lequel il est important d’insister. Les startups qui arrivent dans la proptech arrivent avec une vision neuve et une envie de tout réinventer, de tout mettre à plat et de réécrire les scénarios immobiliers de demain. Cela peut concerner un seul élément du secteur comme la gestion du BIM entre les différents acteurs de la construction ou l’ensemble du modèle, comme on peut le constater sur la gestion locative ou la transaction dans le résidentiel ancien.

On distingue donc deux grands types de startups :

  • Celles qui viennent en soutien du professionnel, comme un outil supplémentaire pour améliorer son offre ou sa productivité;
  • Celles qui veulent remplacer le professionnel. Je vous invite à lire notre article sur les solutions de PAP, pour avoir une vision plus complète.

Les enjeux sont donc majeurs pour les professionnels de l’immobilier.

Les enjeux de la Proptech pour les professionnels de l’immobilier

Première chose : s’il y a un nom donné à une nouvelle industrie, c’est qu’il y a une tendance clairement identifiée. Cela signifie que les gens y voient de la valeur, et par « gens », j’entends notamment les investisseurs. C’est sûrement pour cette raison que des fonds se sont constitués pour investir dans la proptech, comme Fith Wall Ventures, qui a constitué un fonds de 212 millions de dollars. Il y a donc de fortes chances que des startups solides apparaissent et viennent de plus en plus rapidement grignoter tout ou une partie du gâteau immobilier.

Il est facile de rappeler l’histoire de l’industrie musicale, qui n’a pas vu venir ses concurrents. Trop sûre de sa prédominance, elle ne s’est pas rendu compte du changement qui avait lieu concernant les modes de consommation de la musique. Aujourd’hui, Spotify, Deezer ou encore YouTube maîtrisent la distribution musicale à l’échelle mondiale. La même histoire est arrivée à Kodak sur la numérisation des photographies. C’est un risque réel pour de nombreux secteurs.

Je lisais dernièrement un article très intéressant sur la fintech, qui n’est ni plus ni moins la proptech, mais sur le secteur financier. Le constat était que les banques ne s’inquiètent pas de ces nouveaux arrivants. Elles font de l’argent, beaucoup d’argent. Universal, Kodak et les taxis aussi avaient une manne financière pour contrer les arrivants. Mais le problème est plus profond. Ce sont les modèles qui sont repensés, les besoins des clients qui changent. Les nouveaux arrivants analysent ces changements en profondeur pour apporter les meilleures solutions, les meilleures expériences et rafler la mise.

Par exemple, Opendoor a remplacé les professionnels aux yeux des clients qui veulent vendre leur bien immobilier vite, et ce, à Dallas, à Phoenix et à Las Vegas. En Angleterre, Alex Gosling (PDG de HouseSimple) a annoncé que les agents immobiliers online avaient 5 % des parts de marché, et il pense qu’ils pourraient atteindre 15 à 20 % d’ici 2020.

On pourrait croire que les promoteurs immobiliers sont plus protégés, car ils maîtrisent la production et ne peuvent donc pas être désintermédiés. Mais qui nous dit que, d’ici une dizaine d’années, on ne verra pas des entreprises capables d’identifier un terrain grâce au big data, d’en devenir propriétaire sur la blockchain et d’imprimer les biens immobiliers en 3 dimensions, avant de commercialiser les appartements sur Internet, en proposant des visites en réalité virtuelle?

Avec la technologie, le secteur immobilier est repensé constamment. De plus en plus d’acteurs arrivent pour proposer des outils et des solutions aux professionnels, ou pour créer le Uber de l’immobilier.

Comment les professionnels de l’immobilier doivent-ils réagir face à la Proptech? Quelles sont les solutions?

Somme toute, c’est assez simple. Il faut commencer par prendre conscience que le changement est réel et qu’il se fera avec ou sans les professionnels de l’immobilier. Toutefois, il ne faut pas avoir peur du changement. Il faut simplement l’accompagner et accompagner ses clients, présents et futurs. Pour cela, il suffit de mettre en place plusieurs choses :

Rester en veille : Sur Immo 2 ou ailleurs. Plus vous vous tiendrez informé, plus vous aurez de chances d’anticiper les besoins et d’être là où vos clients sont.

Investir : Dans les outils, dans votre marketing pour accompagner le changement et ne pas vous laisser dépasser.

Tester des choses : Vous avez la chance d’être sur le terrain et d’avoir déjà des clients pour tester de nouveaux outils et voir leur pertinence.

Innover : Chaque semaine, passez minimum 2 h à vous demander comment améliorer vos process, la satisfaction de vos clients, etc. C’est ainsi que vous laisserez le moins de place à vos concurrents, proptech ou non.

Travailler votre valeur ajoutée : C’est la clef. Pourquoi les clients viennent-ils vous voir? Répondez à cette question et donnez-leur constamment une réponse tellement évidente qu’ils n’iront pas voir la concurrence.

Restez au contact de vos clients : Allez un coup plus loin. Demandez-leur le maximum de retours. Vous conseilleront-ils à leurs amis? Sinon, pourquoi? Améliorez constamment votre expérience client en fonction de… vos clients.

Rester proche des nouvelles générations : Il faut vivre avec son temps. Leurs habitudes de consommation seront les habitudes de consommation des clients de demain.

N’oubliez pas : le plus important est d’être au courant et de ne pas se voiler la face. Pour le reste, c’est vous qui avez les clients aujourd’hui, c’est donc vous qui êtes le plus à même de connaître et d’anticiper leurs besoins. Car, quelle que soit l’innovation ou la technologie, elle ne fonctionnera que si elle répond à un besoin client. Et si le besoin client est servi, elle n’a aucune raison d’exister. À vous de répondre à ces besoins. La technologie n’est qu’un moyen parmi d’autres.

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à propos

Article rédigé par Vincent Lecamus

Passionné par l'innovation, Vincent est en veille constante pour dénicher les technologies et tendances qui vont impacter le secteur immobilier. Quand Vincent n'est pas occupé comme journaliste sur Immobilier 2.0, il développe de nouveaux projets entrepreneuriaux et coach des ... Lire la suite

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  1. Vincent Lecamus says:

    Salut Stephane,
    Je commence à apprécier nos discussions croisées sur les articles 🙂
    J’attends donc avec impatience ta prose ! C’est toujours intéressant de croiser les avis, surtout sur un sujet complexe comme celui la.
    Bon week-end !

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