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Comment s’appuyer sur la low-tech pour développer votre business immobilier? C’est le sujet qu’a abordé Ariane Artinian, directrice des rédactions chez MySweet’immo et le Journal de l’Agence, avec ses 3 experts invités dans le cadre des Proptech Digital Days. Voici ce que nous avons dégagé de cet entretien s’intéressant à l’humain, aux usages et à la technologie.
Ce workshop a réuni :
- Nathalie Gardes, responsable de l’axe de recherche sur le numérique de l’IRGO à l’Université de Bordeaux;
- Stéphane Fritz, président du groupe Guy Hoquet;
- Fabien Thierry, dirigeant de la startup Metaliving.
Qu’entend-on par low-tech?
Pour résumer les propos de Nathalie Gardes, l’idée principale de la low-tech est de remettre l’usage au cœur de l’innovation. La low-tech cherche avant tout à répondre aux besoins avec des technologies simples et les moins coûteuses possible. Elle cherche également à avoir un impact minime sur l’environnement. Les critères de responsabilité sociale de l’entreprise et de développement durable sont donc étroitement liés au concept.
Si on s’intéresse plus particulièrement au contexte immobilier, la technologie a évidemment permis de digitaliser et de simplifier de nombreuses actions du parcours client. Là où le bât blesse selon Stéphane Fritz, c’est qu’on est allé tellement loin qu’on a fini par complexifier certaines tâches avec le digital. Ce qui a rendu la transition digitale douloureuse pour plusieurs, c’est que la tech a été très fortement implantée, sans que les gens et les organisations y soient nécessairement bien préparés.
Sa conception du low-tech implique donc un retour à des gestes simples et humains. Avant d’intégrer la technologie aux organisations et aux parcours clients (ou collaborateurs), il faut selon lui revoir de fond en comble et simplifier notre manière de travailler. En bref, moins de techno, plus de gestes humains.
Pour Fabien Thierry, la low-tech, c’est avant tout de remettre l’expression du besoin (usager, habitant, client, utilisateur ou collaborateur) au cœur du système et des méthodologies. Cela passe notamment par la frugalité et des méthodes qui vont privilégier le pragmatisme.
Des manifestations concrètes de la low-tech dans le contexte actuel
Initiatives solidaires durant la crise
L’humain est au cœur de la démarche. La low-tech implique donc aussi de façon plus large la mise à l’avant d’innovations locales et sociétales. Des initiatives solidaires durant la crise, il y en a eu partout, dans tous les domaines, y compris l’immobilier.
Chez Guy Hoquet, on a mobilisé les agences et le service juridique pour pouvoir mettre à disposition des soignants les logements vacants près des hôpitaux. On a aussi lancé une initiative de solidarité avec les commerçants locaux en offrant, pour chaque transaction, des bons d’achat à dépenser dans les commerces aux alentours.
Ce que Nathalie Gardes trouve particulièrement intéressant dans ces initiatives solidaires, c’est la réappropriation et la mise en valeur de ces actions par le réseau ou l’agence.
Une quête de sens
Pour Stéphane Fritz, la quête de sens aujourd’hui vient des startups. Au-delà de ce qu’elles produisent, il y a la façon dont elles fonctionnent en interne et les nouveaux codes d’entreprise qu’elles apportent (l’agilité, le Lean, etc.). Même les grandes entreprises commencent à les adopter et sont soucieuses de redonner du sens à l’intégration et à la vie des collaborateurs dans l’entreprise.
La data vs l’humain
Mais cette quête d’humain, de solidarité et de sens se fait-elle nécessairement au détriment de la data?
Selon Nathalie Gardes, c’est tout le contraire. Il est nécessaire de réfléchir sur les enjeux éthiques de la collecte et de l’utilisation de la data dans une perspective de responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Cette collecte et cette utilisation peuvent très bien être au service de l’humain pour mieux se recentrer sur ses véritables besoins.
Fabien Thierry précise par un paradoxe intéressant. D’un côté, on n’a jamais autant consulté les habitants et jamais eu accès à autant de données (sur les territoires et les personnes). De l’autre, on n’a jamais eu autant d’insatisfaction et de levées de boucliers. Cela démontre l’importance de se poser les bonnes questions pour savoir ce qu’on fait de la data et comment on la traduit.
Stéphane Fritz abonde dans le même sens et précise que les pros de l’immobilier vont devoir répondre à un certain nombre de questions et en éliminer d’autres. Les modèles ont changé, et pour perdurer, les grandes boîtes devront « s’autodisrupter » (ce qu’on n’a pas beaucoup vu jusqu’à présent).
Réintégrer de l’humain et de l’émotion
Pour l’instant, l’intelligence artificielle va être plus performante sur certaines tâches très précises, mais elle n’est toujours pas capable de penser de façon transversale ou d’avoir une compréhension émotionnelle d’une interaction. Quand on sait à quel point une transaction immobilière est un processus émotif, on comprend vite à quel point l’IA et l’humain sont complémentaires. C’est grâce à ces deux forces que le professionnel sera plus à l’écoute de ses clients. Il sera plus à même de s’investir dans cette relation humaine d’accompagnement et de lui apporter des solutions plus proches de ses attentes.
La crise actuelle en tant qu’accélérateur des usages
Fabien Thierry nous rappelle que la crise actuelle est un formidable accélérateur des usages et des habitudes. Elle a permis de tester dans un temps extrêmement court des choses qui prendraient 10 ans à tester dans un marché « normal ». Les gens ont vécu de façon intensive dans leur logement. Ils ont vu ce dont ils ont réellement besoin et expriment maintenant clairement ce qu’ils attendent des territoires et des grandes opérations. Ça n’avait jamais été le cas avant.
Stéphane Fritz a vu deux tendances claires émerger pendant la crise. D’abord, au niveau des outils. Alors qu’il avait vendu 7 caméras Matterport en deux ans, aujourd’hui, plus de 200 agences du réseau en sont équipées.
Deuxièmement, l’étalement s’est intensifié. C’est 20 % plus de maisons, et 20 % moins d’appartements qui se sont vendus en septembre. Ce qui a été tenté pendant des dizaines d’années niveau aménagement du territoire, la COVID l’a permis en deux mois. Et ça, c’est du concret pour la construction de demain.
Fabien Thierry précise que la low-tech est là pour laisser s’exprimer ce bruit de fond, qu’on n’a jamais été capable de mettre de l’avant, parce que ça restait juste du sentiment. Alors qu’en physique, ce sont toujours les mêmes personnes qui s’expriment, on est aujourd’hui capable d’entendre les personnes qui ne s’exprimaient pas et de savoir ce dont elles ont réellement besoin.
Remettre l’usage et l’humain au cœur du processus d’innovation
Qu’il soit client ou collaborateur, il faut remettre l’acteur au centre du système. Si on remet l’usager au cœur de la réflexion, on peut concevoir des solutions technologiques simples, faciles d’accès et inclusives.
Nathalie Gardes précise aussi que, même si beaucoup d’agences et de professionnels se considèrent des champions de la relation client, les chiffres de satisfactions, eux, disent souvent le contraire.
Il faut aussi, selon elle, avoir dès maintenant conscience des grandes tendances de consommation de demain. L’éthique et la responsabilité sociales des entreprises deviennent un critère de choix de plus en plus important. C’est vrai pour le client, mais aussi pour les agents.
Revenant sur les agents, Stéphane Fritz rappelle l’importance pour les agences et les réseaux de bien s’occuper de leurs collaborateurs. Et cela doit se concrétiser en misant très fortement sur la formation.
On a donc appris que la low-tech est une méthodologie globale qui doit structurer toute l’approche du marché. La démarche est d’autant plus déterminante pour créer de la résilience et perdurer dans un environnement turbulent comme celui d’aujourd’hui, mais aussi pour l’avenir.
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