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Joli mois de mai. Les jeunes pousses commencent à être visibles. Ce n’est donc pas étonnant qu’on entende parler de ces startups lors d’événements comme le VivaTech, et bientôt le MIPIM PropTech. Les sélections de startups permettent d’observer les tendances qui se dégagent. Les levées de fonds complètent la vision. La PropTech continue de bourgeonner. Mais dans quels sens? Quelles sont ces tendances? Et que cela risque-t-il de changer pour les professionnels de l’immobilier?
Avant de rentrer dans le vif du sujet, vous n’êtes sûrement pas passé à côté de l’ouverture de la base de données des notaires/impôts, concernant les transactions immobilières. J’ai écrit un article complet sur le sujet de la DVF, pour que les professionnels puissent s’approprier le sujet. On parle donc de data financière et d’immobilier.
La data financière pour capter le client
Dans mon dernier édito, j’abordais justement cette « guerre » ouverte pour l’estimation immobilière. Une semaine après, Etalab annonce l’open data immobilière en France et l’ouverture en accès libre de toutes les transactions immobilières réalisées en France, et ce, depuis 2014. En l’espace de quelques jours, les acteurs cités dans mon article – sur l’estimation – se sont appropriés le sujet et ont intégré toutes ces datas dans leur site et leur application. Certains ont même créé un site dédié. Un seul objectif : utiliser la data pour compléter leurs systèmes de génération de leads vendeurs (et acheteurs, dans une moindre mesure). Car c’est bien là l’enjeu.
Le flyer ou le post sur les réseaux sociaux annonçant « estimation gratuite » ou « estimation en moins de 24 h » continue donc de perdre en valeur. Aujourd’hui, n’importe quel particulier qui le souhaite peut faire sa propre analyse comparative de marché tout seul. En attendant que les outils automatiques ne leur prémâchent le travail, les pros de l’immobilier doivent s’adapter.
Cette data financière, on la voit aussi fleurir du côté de l’investissement locatif, à l’heure où Rendement Locatif se présente au VivaTech et où Flatlooker sort son calculateur de rentabilité locative.
Fournir des outils qui permettent aux particuliers d’être autonomes jusqu’au moment où elles ont besoin d’un professionnel compétent est plus que jamais devenu l’approche privilégiée des nouveaux acteurs de l’immobilier. Ceux qui s’y refusent encore risquent de s’en mordre les doigts dans les quelques années à venir. À un moment où les mandats risquent d’être de plus en plus chers. À chaque pro d’être inventif dans son approche, en utilisant sa différenciation, en définissant bien sa barrière à l’entrée : la localité, le savoir-faire, l’expertise de niche, le réseau, le suivi client, la technologie, etc.
La maîtrise et la connaissance de la donnée restent donc centrales dans les métiers immobiliers. Comme le prouve l’arrivée d’une nouvelle licorne dans la PropTech!
La nouvelle licorne de la PropTech fait d’ailleurs dans la data
Une licorne, c’est une boîte qui est valorisée à plus d’un milliard de dollars. C’est aussi un animal imaginaire. Et c’est vrai que les dernières licornes de la PropTech le sont devenues en levant des sommes impossibles à s’imager. Le record étant attribué à WeWork (qui se définit d’ailleurs aussi comme une entreprise de data avant d’être une entreprise immobilière) et qui va bientôt faire son entrée en bourse…
Mais dans le cas de VTS, l’histoire est différente. En effet, il n’a pas levé 800 millions de dollars en 1 an, devenant d’office une licorne, comme Opendoor ou Compass. Non. VTS, on en parle depuis 6 ou 7 ans. Il a remporté de nombreux prix, signé avec plusieurs grosses boîtes du secteur. Et à force de travail, il a su convaincre, faire du chiffre d’affaires et levé 90 (petits?) millions de dollars, ce qui le valorise à plus d’un milliard, maintenant.
Le second élément intrigant est qu’il s’agit simplement d’une application. Elle n’a pas d’actifs comme WeWork, d’acteurs sur le terrain comme Compass, de biens immobiliers comme Opendoor ou encore une notoriété immense comme Zillow. Bref, un OVNI qui est devenu une licorne en l’espace de 7 ans. Et pour ce faire, il s’est appuyé sur 2 fondements sensiblement simples :
• Devenir l’expert numéro 1 sur son cœur de métier : fournir la meilleure data aux assets managers.
• Travailler à fond sur l’expérience client : ce qui a fini par laisser la concurrence à une longueur d’écart.
• Ah oui. Et rentrer des clients.
Un exemple inspirant à suivre! Comme les tendances de l’immobilier.
Les tendances startups et PropTech
Au-delà du fait que Figaro ait mis en place un partenariat média avec Plug and Play, et que Permettez-moi de construire ait levé 1 million d’euros, des tendances se dégagent des startups mises en avant lors d’événements, passés et à venir. Et notamment sur la thématique de l’investissement immobilier.
Aide à l’investissement
L’immobilier, ça rapporte. Quand on sait s’y prendre. Ce qu’il manque le plus souvent, c’est les sous. Le financement. Sans surprise, le crowdfunding s’est largement démocratisé dans l’immobilier et continue de faire des petits. Le financement participatif permet de lever des fonds pour investir dans des biens immobiliers divers et variés. C’est la pierre papier 2.0. On voit donc constamment de nouvelles startups de crowdfunding présentes dans les grands événements.
L’étape suivante c’est la blockchain. Comment transforme-t-on des parts de SCI ou de SCPI en tokens? C’est une question qui se pose de plus en plus. On voit alors naître des sociétés spécialisées dans cette niche, comme Token Invest. Et le sujet est de plus en plus abordé. Celui qui trouvera une solution viable et pérenne fera la différence dans les 10/15 années à venir.
Toutefois, les clients veulent toucher la pierre du doigt, les investisseurs veulent du concret, du tangible. Et continuent nécessairement de s’intéresser à l’investissement locatif.
Investissement locatif nouvelle génération
Je ne parle pas des formateurs que vous avez pu croiser sur Facebook en vidéo, dont certains relèvent pas mal de charlatans (c’est mon édito, je dis ce que je pense). Mais des outils qui sont sortis dans cette volonté d’accompagner l’investisseur sur son investissement locatif. Notamment des outils comme ceux que proposent les startups Rendement Locatif, MyStone, Yuno ou encore celui de Flatlooker cité plus haut.
En plus des outils, fleurissent aussi des sociétés de conseils (de chasse au final) qui sélectionnent les biens rentables, peuvent s’occuper des travaux, du financement et fournissent des projets clés en main, à l’instar de Brickmeup, Investissement locatif ou Les Secrets de l’Immo. Il en existe de très nombreuses. Elles sont souvent positionnées sur l’investissement dans de petits immeubles. Et de plus en plus sur la colocation.
La colocation
On en a parlé à plusieurs reprises. La colocation explose. Que ce soit sous le nom de coloc ou de coliving. Pour des raisons financières évidentes, mais aussi sociales, le modèle séduit les locataires. Et c’est rentable pour les investisseurs.
Il est donc logique de voir de plus en plus de startups se positionner sur le segment. Que ce soit pour la transformation et gestion complète comme FlatnYou ou simplement sur la gestion comme FlatBay. On voit aussi de nouveaux portails dédiés comme COOLOC aller chercher les positions de leaders d’Appartager et de la Carte des Colocs.
Bref, le marché est mûr, et les agents immobiliers ont un vrai intérêt à se positionner dessus.
D’autant que demain, la gestion pourra être facilitée grâce à l’IoT!
IoT pour l’immobilier
L’IoT, c’est l’Internet des objets. Ce sont les objets connectés, et intelligents. Demain, on aura des radiateurs qui s’éteignent tout seuls quand on ouvrira la fenêtre, des ascenseurs qui anticiperont un dysfonctionnement, des vitres qui enverront un message à la société de nettoyage, des éclairages qui s’adapteront au travailleur s’installant sur un bureau. Ceci n’est pas de la science-fiction. Tout cela existe déjà. Et ce sont souvent ces acteurs de l’IoT qui gagnent les concours PropTech ces derniers temps, comme Spaceti ou Sensorberg.
Dans l’IoT, il y a deux enjeux prioritaires : inventer les objets intelligents qui feront gagner du temps (et de l’argent) aux locataires ainsi qu’aux gestionnaires ET permettre à ces objets de communiquer ensemble, d’être pilotés. À cela s’ajoutent bien entendu la sécurité et la maintenance de ces derniers, sans quoi il est difficile pour les promoteurs d’investir dans ces technologies. Quand on sait qu’un bâtiment est construit pour 73 ans en moyenne.
Peut-être qu’une partie de la solution viendra du BIM.
Le BIM et la visualisation 3D
Le BIM est devenu central dans les discussions sur l’avenir de la construction et de la gestion immobilière. Les professionnels du secteur cherchent des solutions interopérationnelles, réutilisables, partageables, et rentables. Les startups viennent alors proposer des outils divers et variés pour ces derniers comme on a pu s’en rendre compte au BIM WORLD, qui a eu lieu le mois dernier, et où plus de 100 solutions de BIM étaient présentes!
L’autre aspect de la visualisation 3D est bien entendu d’aider à se projeter. Et sur ce point, des acteurs comme REALIZ3D tiennent le devant de la scène. Ils sont encore sélectionnés pour remporter un prix, lors du MIPIM PropTech Europe. Et ils étaient présents au VivaTech, à l’instar d’Exalt3D et de Perspectives l’année dernière. Ce mois-ci, on a aussi vu Hover lever 25 millions d’euros, pour une solution qui permet de créer des modèles 3D à partir de photos smartphone. Ces outils sont en passe de devenir indispensables pour la vente en VEFA, ou en tout cas de rendre le professionnel plus performant.
Les outils pour rendre l’agent plus performant
C’est aussi un vrai objectif. Que les agents deviennent plus performants. Sous peine d’être concurrencés par la technologie. Ou par des agents « augmentés ». Alors, au risque de me répéter, investir dans la technologie pour la technologie n’a aucun sens. Mais il est urgent de bien sélectionner ses prestataires pour booster sa productivité : choisir son logiciel (par exemple, BeYat vient de se plugger à Zapier pour automatiser un certain nombre d’actions), choisir ses outils pour générer des acheteurs, ceux pour générer des vendeurs, ceux pour gagner en efficacité au quotidien, ceux pour gagner en notoriété, etc.
L’enjeu est majeur. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a de plus en plus de startups qui viennent proposer des solutions aux professionnels. Il faut trier le bon grain de l’ivraie, par contre. Mais l’objectif en ligne de mire doit être clair : être 2 fois plus performant demain qu’aujourd’hui.
Car les startups immobilières qui ne cherchent pas à « améliorer » le professionnel dans l’immobilier s’attaquent à sa désintermédiation, soit en devant agent immobilier (carte T à l’appui), soit en proposant des alternatives.
La désintermédiation des agents immobiliers
Proprioo a levé 20 millions. Après avoir changé plusieurs fois de modèle de rémunération – d’abord 999 euros en commission fixe, puis 1999 euros toujours en commission fixe –, il a passé à 1,9 % d’honoraires depuis quelques mois. Et hop! 20 millions d’euros de levés. Une très belle somme pour la PropTech française!
Au centre de sa communication – et de son process de rentrée de mandat –, il attaque la commission des agents immobiliers. L’approche par le prix est assez classique pour disrupter un marché. Mais, ce qu’il faut retenir, c’est que Proprioo reste une agence immobilière. Il est même revenu au modèle classique des honoraires au succès. Moins cher par contre. Il a analysé les besoins et proposé une expérience client en face, et un prix.
Comme c’est une machine à lever du cash, il va falloir composer avec. Et continuer de se réinventer et de proposer une offre de valeur cohérente, dont la valeur est réellement perçue par le client final. D’autant que dans le même temps, PAP a lancé une offre qui s’apparente à celle des agences immobilières low-cost, et qui s’appelle « Mieux qu’une agence »… Tout est dans le titre.
L’immobilier est devenu le terrain de chasse de plus en plus d’acteurs. Et les financements commencent à pleuvoir depuis quelques années. Les sommes deviennent de plus en plus importantes : 4,3 milliards ont été levés dans la PropTech sur le 1er trimestre 2019, et ces sommes ne sont plus réservées à des entreprises américaines ou chinoises. La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que ça bouillonne d’idées pour réinventer le travail des professionnels. Et donc, de sources d’inspiration!
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